IRM de la ville de Douala

by Maud De La Chappelle
To Didier
ACR
À Douala, on nomme les carrefours, places, rond-points, rues, de manière improvisoire [1]– improvisée et provisoire – augré des anecdotes du quartier, des lieux de vies importants ou du type d’activité quis’y pratique. Ces noms apparaissent, suivant le même processus unpeu mystérieux que celui qui forme les rumeurs, pour se repérer et se déplacer dans une ville dont les noms de rue officiels, pour les rares qui existent, ne sont pas signalés et demeurent inconnus des habitants. La perception de Douala par ceux qui la vivent se fait donc à travers un nuage de noms évocateurs, mémoire orale de laville, traces vivantes et quotidiennes de son histoire, qui participent d’un imaginaire collectif…
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DÉSIRÉ
Je m’appelle Désiré et ma ville est cosmopolite. Jesuis né à la fois à Madagascar et à Dakar, juste à côté de
Brazzaville. De ce côté de la ville, nous sommes très africains: nous habitons Lagos, Congo, Sénégalais ou Camp Tchadien. On a bien les originaux de Barcelone, qui ont cherché à se démarquer. Mais à part la passion du football, il faut bien avouer que le quartier n’a pas grand-chose à voir avec la métropole européenne où Eto’o s’est illustré pendant des années ! On a aussiquelques pauvres âmes qui se sont égarées du côté de Babylone… Mais ceux là ne l’emporteront pas au paradis ! Plus loin, là où vivent les riches, c’est Denvers, Santa Barbara ou Doubaï, Venise, Saint Tropez, Orly, Johannesburg ou Mbenge City [2]; on danse à l’Élysée ou au Sénat. On est tous citoyens du monde, hein, comme on dit… On ne vient juste pas tous du même monde ! Depuis quelques années, les derniers arrivés chez nous, ce sont les Chinois. Dans l’Est de la ville, ils ont déjà leur hôpital, et à la Douche, leur quartier : toutes les enseignes y sont dans leur langue. Il y a quelques années, on avait même un original, Liu du Kamer, qui chantait du Makossa [3] comme un vrai d’ici ! Ils n’ont quand même peur de rien, les Chinois : les gars là sont venus jusque sur le Marché Central, pour vendre eux-mêmes les soutiens [4] qu’ils fabriquent dans leur pays ! 300 Francs seulement ! La concurrence, là, a ruiné les affaires de mes compatriotes… Jusqu’ici, à New Bell, où se trouve le marché, c’étaient surtout les peuples de mon pays qui étaient représentés : Haoussas, Bassas et Bamilékés. Mais attention, chac un sa zone ! À Nyalla, tout au bout de la ville, là où il n’y a encore pas longtemps, c’était la forêt, ça brasse encore plus large: en plus des Bassas et des Haoussas, on peut croiser une terre d’Étrangers! Ça donne envie de voir du pays, tout ça. Un jour, moi aussi, je veux être étranger quelque part……
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GUY
Je m’appelle Guy, mais vous pouvez m’appeler « papa». Mes amis disent de moi que je suis un ambianceur de première. La nuit, ne me cherchez plus, je suis du côté de Cité Sic. Si ce n’est pas le Facebook Club, c’est le Dreams. Et si ça se passe du côté de Deïdo, c’est la Canne à Sucre ou le Kirikou! J’ai écumé toutes les Rues de la Joie de la ville, et le Carrefour Ambiance n’a pour moi aucun secret. Douala Bar, Gabon Bar, Embouteillage Bar, Central Bar, Sous-sol bar, Ancien dépôt Guiness, Paris-Dancing: pas une seule zone de la ville que je n’ai parco urue de nuit, à la recherche de la plus collée-serrée des chaleurs humaines. Quand j’ai une petite faim, je pars tantôt du côté de Tendon [5], tantôt du côté de Bifaga [6]! Les gens disent qu’on boit pour oublier ; moi je bois simplement pour m’amuser. Retrouver les amis et ne se quitter que quand nous avons épuisé de nos poches les dernières pièces, c’est à ça que je passe mes week-ends. Malheureusement, « On est obligé de payer, on n’est pas obligé de boire », comme on dit ici. J’aurais préféré le contraire……
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ANASTASI
Je m’appelle Anastasi et je vous le dis, le Cameroun est difficile. Depuis ma naissance, il me persécute. Cela a commencé dès le premier jour, avec le prénom dont m’ont affublé feu mes parents. Je suis un homme, et j’ai hérité par ma grandmère d’un prénom de femme, le sien. Trop pressée d’avoir une descendance homonyme, et ne voyant naîtredes ventres de ses filles et belles-filles que des progénitures masculines, elle menaça avant ma naissance
: « celui-là, je vous préviens, que ce soit un garçon ou une fille, il portera mon nom ! » Elle m’a tout de même épargné le« e » final, paix àson âme. Cela a été le premier de mes malheurs, mais finalement le plus petit. De celui là, au moins, je me suis vengé :ma fille s’appelle Renée. J’ai grandi à Yaoundé, entre Chambre Froide et Carrefour de la Mort, comment pourrais-je être serein ? J’ai fui à 19 ans la nonchalance fonctionnariale de la capitale, dans l’espoir de trouver à Douala un emploi pour financer mesétudes. J’ai atterri aussitôt à Mille Problèmes! Je me suis fait dévalisé àCarrefour Tif [7]et j’ai dû donner mon dernier billet à un mange-mille [8]… Je me suis battu fatigué [9], pour quel résultat ? Si j’avais eu quelques compétences manuelles, j’aurais pu mieux me débrouiller. Entre le Pont Blanchisseur, le Carrefour Maçons et le Carrefour Menuiserie, j’aurais certainement pu louer mes bras quelque part. Au lieu de cela, je n’ai pas les diplômes suffisants pour aller toquerà la Cité des Enseignants, ni le sens de la hiérarchie assez aigu pour essayer du côté de la Rue Adjudant, du Camp de Police ou de Génie Militaire! Tout ce qu’il me reste à faire, c’est d’aller noyer ma colère dans un circuit [10] de Nkololun [11], avec mon meilleur ami, mon frère, Ivan, qui habite à Haute Tension. Assia [12]!
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GISÈLE
Je m’appelle Gisèle et ma ville est bien-aimée de Dieu. On le trouve partout, de
Deux églises à Sacré Coeur, de Jourdain à Rose-Croix, de la Cathédrale au Carrefour Pasteur. Les saints des autres y sont très présents : Saint Thomas, Saint Michel, Saint Bruno, Sainte Agnès, Sainte Monique, Saint Luc… On a même un ange, Ange Raphaël. C’est chez lui que j’habite. Comme je ne suis pas ingrate, j’ai appelé mon fils Archange. Ses jambes ne fonctionnent pas bien, mais qui sait, peut-être qu’un jour il lui poussera des ailes ? Pour se protéger dumal, les habitants de ma ville l’ont placée sous le signe de la sainte trinité : on retrouve le chiffre 3 dans les boutiques, les arbres, les morts, les veuves, les voleurs et même les bordels ! Les anciens de mon village, le père, le fils et le saint-esprit Baham, sont également venus s’installer non loin de chez moi. Quand je suis malade, je vais à l’
Hôpital des Sœurs, c’est plus sûr. Et chaque dimanche à 9h précises, je vais chanter Jésus à l’Église Évangélique du Réveil, avec mon amie Solange : « Il n’y a personne qui soit comme Jésus ! J’ai longtemps cherché… personne ! J’ai fouillé fouillé…personne ! J’ai tourné en rond… personne ! Il n’ya vraiment personne comme lui ![13]
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SAMANTHA
Mes clients m’appellent Samantha et j’ai raté ma vie. Le rond-point où j’exerce mon activité a été baptisé par la municipalité «Rond-point Nelson Mandela». Ce nom, symbole de l’espoir d’un continent entier, n’a pas empêché le plus vieux métier du monde de s’y épanouir comme fleur au printemps sous d’autres cieux… Les gens d’ici, plus prosaïques que nos décideurs politiques, appellent ce rond-point«J’ai raté ma vie». On ne peut pas dire que la zone soit très fréquentable. La semaine dernière, j’ai vu une jeune fille qui mettait pour la première fois les pieds par ici. Elle avait tellement peur qu’elle ne voulait pas prendre la moto jusqu’à Danger, où elle avait rendez-vous. Elle a demandé à un Monsieur bien habillé qui attendait le taxi : « Le quartier ciest tellement dangereux ? ». Tous les passants se sont mis à rire! On ne court aucun risque à Danger : il se trouve simplement une centrale électrique sur laquelle est écrit en gros la mention « Danger » et en plus petit « risque d’électrocution ». D’ailleurs, elle a été la bienvenue, cette centrale, dans le quartier. Il faut dire que de ce côté Village de la ville, on n’a pas toujours eul’électricité. À l’époque, on pouvait oublier les télévisions, les ventilateurs et les congélateurs ! Ça me fait penser à cette histoire de patron de bar, à qui les habitants du quartier – qui se refusaient, comme tous bons citoyens de cette ville, à boire leur bière à température ambiante – demandaient sans arrêt « Ta bièrelà, elle est bien glacée ? »… alors qu’il ne risquait pas d’avoir de frigo pour la rafraîchir ! Agacé, il a fini par mettre un gros panneau «Non Glacé» devant sa porte. C’est devenu le nom de la zone.Vu l’ambiance bien chaude qu’il y règne aujourd’hui, il est
plutôt adapté !Je travaille le plus souvent accompagnée de deux collègues. Nos corps ont beau être « moins chers que
le poulet», dans le coin la concurrence reste rude. Alors forcément, parfois, on se dispute. Parfois même, la nuit et la Castel [14]duKama Sutra bar aidant, on en vient aux mains. Il y a de cela quelques années, on s’est tellement bien agrippées que nos robes se sont déchirées et qu’on a offert aux passants le spectacle de trois bordelles [15] gesticulant à moitié nues sur la chaussée. Au moins, à défaut de réussir nos vies, on aura gagné une postérité dans la mémoire de la ville !
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ROBERT
Je m’appelle Robert et ma ville est noire. Du reste, ma ville n’est pas seule dans ce cas là : tout, autour de moi, est noir. C’est la seule chose que mes yeux peuvent percevoir, le noir. Je me console en pensant que certains prennent cevide pour une couleur. Et je me plais à en imaginer d’autres, assis devant chez moi, à Carrefour Carnaval, au gré des lieux évoqués par mes congénères : Moulin Rouge, Direction Orange, Maison Blanche, Rose-Croix, Feu Rouge, Maison Verte et Container Rouge sont parmi mes destinations favorites !
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CONSTANCE
Je m’appelle Constance, et je mène une douce existence, à la Cité de la Paix, en face de l’Éden, juste après Concorde Hôtel. Depuis maintenant dix ans, je suis infirmière à la Clinique de l’Espérance. J’ai ma proprevoiture, avec laquelle j’emmène chaque matin mes enfants au CollègeLes Prodiges, après m’être arrêtée acheter mon pain à Belavie. Ma mari, lui, travaille à Camtel, à côté de Bon-Fils. Il voyage souvent pour Yaoundé, toujours avec Garanti, pour des réunions de travail. J’aimerais qu’il soit plus souvent à la maison, mais il a un bon travail, qui nous assure une vie confortable. Alors je ne me plains pas. Quand il s’absente, le week-end, je rends visite à ma soeur, du côté de Nkolminta [16]. Nous sommes très bien ici. Contrairement à tant de nos compatriotes, nous ne rêvons pas d’ailleurs. Ne croyez pas que notre vie a toujours été facile : nous ne sommes pas comme ces gens du
Marché aux Fleurs, à qui la vie a toujours souri ! Je suis certes née a Vie Tranquille, mais là-bas elle ne l’est pas, je peux vous l’assurer ! Si je n’avais pas rencontré ce professeur de biologie, à l’École Avenir, où je fréquentais [17] à l’époque, j’aurais certainement terminé comme mon frère, qui finit l’argent du ménage à
Combi Bar [18]tous les soirs !
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VALÉRIE
Je m’appelle Valérie, et mon kwat’ [19] est du Tonnerre! Sûr que l’ambiance y est explosive…Les gens de la haute évitent d’y poser les yeux. D’ailleurs, on raconte que le nom de la zone, Bépanda, viendrait du bassa «bibanda », «lieu, village abandonné ». De nos jours il serait plutôt surpeuplé ! Ce n’est pas un hasard si toutes les histoires d’ici
ont à voir avec des règlements de comptes entre voi sins…L’une des plus célèbres est celle du carrefour Double-Balle
, juste derrière chez moi. Il se trouve à côté de la maison d’un ancien militaire, qui était plutôt du genre procédurier. Il s’énervait de ce que son terrain était traversé chaque jour par des dizaines de personnes, qui coupaient par là pour accéder à la route. Il a commencé par s’en prendre àtout le voisinage,argumentant que son jardin n’était pas un mapane[20], et avertissant que les prochains qui passeraient par là seraient punis. Puis il a élevé un mur pour bloquer l’accès à la propriété. Mais les gens d’ici ont la tête dure : certain sont tout simplement commencé à saute par-dessus le mur, pour prendre leur chemin habituel ! Le militaire, qui a senti le Foléré lui monter dans l’oeil [21], a prisson vieux fusil de chasse à double-balles, et a tiré sur l’un de ces imprudents, qui est mort sur le coup.
Ce n’est pas la seule vengeance à avoir marqué le quartier : le carrefour où je prends le taxi chaque matin, Tonnerre
, doit son nom à l’histoire d’un homme foudroyé là. On raconte que le malheureux avait volé l’un de ses voisi
ns. Certaines versions affirment qu’il lui avait pris sa chèvre, d’autres assurent que c’était plutôt… sa femme. Quoi qu’il en soit, pour se venger, l’homme lésé n’a pas employé les petits moyens : il lui a carrément envoyé la foudre ! Il faut croire qu’il visait très bien, puisque seul le coupable a été touché, alors qu’il se trouvait au milieu d’une foule de gens. On n’a pas que les disputes entre voisins, dans le quartier, non. On a aussi les querelles de couples! Ça crie, ça se bagarre… Mais aucune ne sera entrée dans l’histoire comme celle du jour où un mari a tant battu sa femme qu’il l’a poursuivie jusque dans la rue,où elle s’est retrouvée sans caleçon[22], devant les voisins ahuris! La pauvre femme a dû en mourir de honte…Comme on rit de ces histoires aujourd’hui ! On ne peut pourtant pas dire que les choses se soient arrangées. Si c’était le cas, je ne me serais pas réveillée ce matin avec sur mon chemin, au pied de la boutique Chez Papa voltigeur, réparateur en parapluies, le cadavre d’un bandit, lynché par la foule durant la nuit. C’est devenu tellement banal, qu’on n’a même pas pris le temps de renommer l’endroit « justice populaire ».
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YVETTE

Je m’appelle Yvette, et mon rêve à moi, c’est de pouvoir porter des talons hauts sans systématiquement les enfoncer dans 5 cm de boue. De Sobinan [23] à Bépanda Voirie [24]et de Décharge Isacam à Ndobo [25], sans oublier l’inénarrable Jong Mabi [26], tout n’est que saleté dans cette ville ! J’ai grandi en face du Marché aux Chèvres, puis mes parents ont déménagé au Poulailler. J’avais déjà 23 ans, et j’ai refusé de les suivre : j’ai préféré m’installer à Bonadibong, Rue des Pavés, dans l’espoir d’une amélioration de mon confort de vie. Mais je rêvais : ici, c’est « sous les pavés, la boue » !Tu parles d’une urbanisation… Dans quelle autre métropole de 3 millions d’âmes peut-on entendre parler de «Feu Rouge», «Rond-Point», «Panneau Stop» ou «Carrefour des Immeubles», et savoir très exactement quel unique lieu de toute la ville est évoqué ?

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ARAMIS
Je m’appelle Aramis et ce sont mes jambes qui me transportent à travers la ville. Il faut dire que depuis chez moi, PK9[27], à neuf kilomètres du centre administratif de Bonanjo, où je suis gardien de nuit, c’est deux taxis [28]pour arriver au travail. Mon salaire passerait entièrement en transports, si je me permettais de les utiliser. Alors,je vais à pied. Ce n’est pas grave, je suis jeune, j’ai la force. Et puis, cela me laisse le temps d’observer la ville autour de moi. De m’arrêter manger un bout au restaurant Ça sort Comme ça Sort , d’où je ne sors pas toujours en bon état ; de me
signer devant le Ministère de la Résurrection du Christ; de faire parfois un petit détour par Chez le Banquier du Pape, pour boire un jus, les jours de saison sèche. Avant d’arriver à Ndokoti, je passe devant une boutique de « vente de lap-toks » qui nem’inspire pas vraiment confiance. En direction de Camp Yabassi, ce sont des « produits exotériques », que propose une enseigne. Je passe ensuite par Ancien Collège des Travailleurs, Ancien Dalip, Ancien cinéma le Wouri… pour arriver à Ancien Palais. Ce qui fait beaucoup de vestiges pour une ville aussi jeune !
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SIMON/HENRI
Je m’appelle Simon ou Henri, comme vous préférez. J’habite une ville pleine de contradictions. On a un Grand Hangar, mais un Petit Marché. Un Grand Moulin, mais un Petit Pays. Un Grand Canyon, mais un Petit Wouri. Un
Grand Baobab… et juste en face, un Petit Baobab! La ville n’en finit pas de finir, tout en continuant de continuer. Par exemple, je peux y compter au moins huit Fins Goudron, quatre Terminus et un Dernier Poteau. Pourtant, rien nes’arrête ! Mon quartier, Bessengue, qui veut dire « ceux du fond, ceux qui habitent derrière » en duala, se situe en plein centre ville. Yong Yong [29] s’est fait rattraper par l’urbanisation, Forêt-Barest sur l’un des plus gros axes de la ville, et à Safari, les seuls animaux que vous verrez sont des humains! Vous pouvez toujours chercher les singes du
Bois des Singes, le manioc de Kassalafam [30], les machettes de Ngui-Kwade [31] et les champs de Ngwélé [32]… Quant à la Nouvelle Route de Bonabéri et aux quartiers de Ngonsua [33] et Nkongmondo [34], je peux vous dire qu’ils n’ont rien de bien neuf!
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CLOVIS
Je m’appelle Clovis et je suis taximan. Pour moi les noms n’ont pas de saveur, ils ont un prix. Depuis École Publique, par exemple, c’est 200 Francs pour Makepe, Ndokoti, Bonanjo ou Akwa. 300 Francs pour Logpom ou Bonamoussadi. Pour Camtel, je te prends pour 150, d’accord, mais j’espère qu’il y a la monnaie. Va plutôt en face, pour Rond-Point. Tu n’as qu’une pièce [35]? prends alors la moto ! Qui t’as dit que je suis bend-skin [36]? Tu veux aller à Ndogbong et tu ne veux pas proposer [37]? Attends alors ! Chers clients, combien de fois faudra-t-il vous redire d’aviser en cas de billet ?Je suis un très bon chauffeur. De Bonabéri à Yassa, je mets au défi quiconque de trouver un lieu que je ne connais pas ! Par centaines, je les ai dans la tête, les noms que cette ville a inventés : Terre des hommes, Deïdo Plage, New Style, Nylon, Peuple, Cité des Palmiers, Photo Golden, 4 étages, La Cachette des Copains, Soudanaise, Centre Équestre, Borne 10, Espoir, Pamplemousse, Source du Quartier, Château, Petit Paris, Bijou, Equipe du dimanche, Entrée Billes, Sable,Marché aux Oignons, Afrique du Sud, Jardin, Conquête, Gloria, Quartier Chirac, Montée Banane, Domino,Bon-Coeur, An2000, Parc des Princes… Je suis chez moi partout !
Quand je passe à Akwa Nord , devant Ne jamais Rater le Dernier Métro, ça me fait sourire. Ici, au moins, pas de risque derater le dernier taxi !

Footnotes:

1. Mot valise inventé par un habitant de Maputo (Mozambique), et relevé par l’écrivain Mia Couto dans une de ses chroniques pour le journal mozambicain O País.
2. Mbengue : l’occident, la France, l’Europe…
3. Makossa : musique originaire de Douala
4. soutiens = soutiens-gorges
5. Tendon : tendon de viande (on en vend dans la zone)
6. Bifaga : « poisson fumé » en pidjin (on en vend dans la zone)
7. Tif : déformation de l’anglais « thief », voleur
8. mange-mille : policier
9. fatigué : longtemps, jusqu’à en être fatigué
10. circuit : bar, restaurant
11. Nkololun : « colline de la colère », en béti
12. Assia ! : expression qu’on utilise pour souhaiter du courage dans la souffrance ou la difficulté
13. Chanson chrétienne du groupe ivoirien Shekina, également chantée au Cameroun
14 Castel : marque de bière
15 Au Cameroun, « bordelle » = prostituée
16. Nkolminta : « colline de la joie » en béti
17. Fréquenter, au Cameroun : aller à l’école, suivre des cours
18. Combi : « mon frère » en langage familier
19. kwat’ : quartier
20. mapane : petit chemin, raccourci, chemin de traverse
21. avoir du Foléré dans l’oeil : être très énervé(le Foléré est une boisson sucrée de couleur rouge-violette, appelée Bissap en Afrique de l’Ouest)
22. caleçon = culotte
23. Sobinan : « territoire des ordures », en bassa
24. Voirie : « décharge, poubelle » en langage populaire
25. Ndobo : « boue, marécage » en duala
26. Jong Mabi : « route des excréments » en ewondo
27. PK9 = Point Kilomètre 9
28. Deux taxis : signifie qu’on doit faire le trajet en deux fois, dans deux taxis différents. Ce qui revient à payer deux fois le prix d’un taxi « normal »,soient deux fois 200 Francs CFA.
29. Yong Yong : « éloigné, derrière le village » en bassa
30. Kassalafam : déformation de Kassava Farm, « champ de manioc »
31. Ngui-Kwade : « la force des machettes »
32. Ngwele : « champ » en duala
33. Ngonsua : « nouveau territoire » en meddumba (langue du Ndé, Ouest du Cameroun)
34. Nkongmondo : « nouveau territoire » en bassa
35. une pièce = 100 Francs CFA (prix de base d’un t
rajet en moto-taxi)
36. bend-skins : nom des motos-taxis au Cameroun. Vient d’une danse de l’Ouest, dont les mouvements de corps penchés en avant donnent à la silhouette la même forme que celle qu’ont les conducteurs de moto.
37. proposer : proposer au taximan un prix supérieur au prix de base (200 Francs), quand on va un peu plus loin qu’une distance normale

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